Italie : hécatombe dans une centrale électrique, les travailleurs n’ont pour eux qu’un dieu mineur

Alors que nous pleurons nos frères assassinés, nous devons être conscients que le jeu se joue sur la capacité à s’organiser pour contrôler chaque jour les processus de production. Participons massivement à la grève du 11 avril [Franco Turigliatto]

Au moment où nous écrivons cet article, les recherches se poursuivent à Suviana pour retrouver quatre travailleurs disparus dans la centrale électrique d’Enel où, hier, 9 avril, un nouveau drame lié au travail a eu lieu : trois travailleurs ont été tués et trois autres blessés par une explosion survenue lors de l’essai d’une turbine. Vingt-quatre heures après cette tragédie, les délégués de la CGIL n’ont toujours pas pu obtenir d’Enel l’identité des entreprises sous-traitantes qui employaient les victimes [dont un hpmme de 67 ans une autre de 73 ans ndt]. Demain, 11 avril, Bologne s’arrêtera pour une grève générale de huit heures.

« Les travailleurs et les travailleuses sont les fils et les filles d’un dieu inférieur », tel est le cri qui jaillit de la poitrine face à ce énième et monstrueux massacre sur un lieu de travail, à la centrale du lac Suviana, dans la région de Bologne. Immense douleur, colère, révolte contre toutes les hypocrisies et les injustices de cette société et du pouvoir capitaliste, mais aussi désespoir de ne pouvoir construire la réponse et le soulèvement de masse qui remettent en cause le système économique responsable de la tragédie et amorcent la construction d’une véritable alternative.

Cette fois-ci, le carnage a eu lieu sur le site d’une des principales entreprises du pays, une entreprise à la pointe de la technologie et de la performance, mais où les gens meurent comme sur n’importe quel chantier de construction de n’importe quelle entreprise de second rang. Une fois de plus, ce sont les travailleurs de la jungle de la sous-traitance, charnière indispensable de l’exploitation capitaliste, qui perdent la vie.

Les travailleurs ne sont pas seulement les filles et les fils d’un Dieu inférieur, mais sont, comme il apparaît dans tous les rapports économiques, des « ressources humaines », en mettant bien alors que l’accent sur le terme « ressources », un simple instrument des capitalistes pour stimuler la production, multiplier les profits, réaliser des bénéfices et garantir des dividendes.

Si certaines de ces « ressources » perdent la vie, par manque de sécurité, par précarité, par nécessité de faire vite, on s’en fout, quelques articles dans les journaux, quelques déclarations, quelques larmes, certaines sincères, d’autres de crocodile, et puis ça continuera comme avant parce qu’il y a tant d’autres « ressources humaines » disponibles (celles qui doivent vendre leurs bras pour vivre) pour maintenir le cycle de l’accumulation du capital.

Bien sûr, il nous faut toutes ces mesures (lois, prévention, surveillance, etc.) qui figurent bien dans la plate-forme que la CGIL et l’UIL ont fait figurer dans l’appel à la grève pour la sécurité du 11 avril, mais nous devons être conscients que la véritable question est celle de la précarité du travail, ou plutôt de la fragilité du travail, une fragilité qui est individuelle, mais aussi collective. Nous parlons de la force et de l’organisation de la classe ouvrière en tant que telle ; nous parlons de la conscience de classe et de la possibilité d’affronter les patrons, leur organisation du travail et leur chantage, par l’action collective.

Mais depuis 40 ans, ils ont été bien nombreux, capitalistes, médias, partis politiques et gouvernements, à établir d’autres priorités en matière de conditions de travail et de droits : flexibilité, utilisation sans restriction de la force de travail, productivité, compétitivité, mise sous pression, et plus encore affaiblissement structurel de la classe ouvrière, infligeant des reculs aux secteurs ouvriers les plus dynamiques et les plus combatifs, assujettissant de plus en plus les appareils des grands syndicats, voire en faisant d’eux des complices, effaçant la mémoire même de certains droits fondamentaux, donc la conscience collective, faisant de chaque travailleur une individualité perdue et errante oubliant qu’elle doit s’allier à ceux qui travaillent à ses côtés et qu’elle ne doit pas « haïr » ceux qui sont « inférieurs », mais le patron qui se nourrit de son travail.

L’essentiel est donc là, rétablir la conscience que seule l’organisation collective peut vous apporter une plus grande sécurité et la capacité d’agir pour défendre ses acquis, sa vie, son salaire, mais aussi et surtout un emploi sûr avec la garantie de pouvoir rentrer le soir auprès de ses proches.

La reconstruction du mouvement ouvrier pour la défense et la réalisation de ses objectifs propres, le retour à l’opposition de classe, la réponse collective à la guerre de classe que les patrons et leurs gouvernements ont réussi à déclencher contre les travailleurs depuis des décennies, voilà l’objectif à viser.

Alors que nous pleurons nos frères qui ont perdu la vie, alors que nous exigeons une réglementation qui garantisse une plus grande sécurité, en participant tous et toutes à la grève du 11 avril, nous devons être conscients que ce qui est en jeu, c’est la capacité à s’organiser pour contrôler les processus de production au quotidien et pour créer les conditions dune nouvelle étape de lutte et de reconquête pour la classe laborieuse.